Billet invité de Yoland Bresson
Refuser que la BCE s’engage à soutenir le Fonds Européen de Soutien est une faute historique qui peut être lourde de conséquences dévastatrices pour L’Europe.
L’Allemagne se drape dans son rigoureux respect des traités, mais en réalité elle impose ainsi une Europe allemande, relayée en cela par tous les commentateurs qui ne cessent de nous la citer en exemple. Les uns et les autres oublient qu’elle a seulement dû faire de nécessité vertu, pour intégrer la RDA et le déséquilibre interne entre la partie occidentale et l’Allemagne de l’Est, où le chômage était considérable, le niveau de vie très inférieur, les salaires très bas. Elle y est parvenue, pas encore totalement, par la pression sur les salaires acceptée en Allemagne occidentale, par une délocalisation partielle de son industrie vers l’Est et surtout parce qu’elle était adossée à L’Europe, avec l’euro, qui lui servait de marché avide de ses biens et des Etats européens qui ne cessaient de soutenir leurs demandes intérieures. Et la voilà, maintenant, qui exige de ses partenaires un effort d’austérité insupportable pour les peuples. Et lorsqu’en France par exemple, aveuglés par l’habituel nombrilisme les commentateurs s’insurgent contre l’appel à la Chine, ils ne voient pas que l’Allemagne, elle, y trouve un partenaire de substitution au marché européen. Celui-ci peut devenir exsangue, le marché chinois sera la nouvelle frontière de l’Allemagne.
L’Allemagne vient d’enserrer l’Europe d’un nœud gordien et de l’asservir !
Il nous faut vite le trancher et reprendre sur de nouvelles bases adaptées au nouveau Monde qui émerge, la construction d’une Europe, plus équilibrée, économiquement plus efficace, socialement plus solidaire. Comment :
En transformant pour une période transitoire, l’Euro de monnaie unique en monnaie commune, et en utilisant cette période pour faire converger les politiques économiques, budgétaires et fiscales , en modifiant les traités pour que la BCE deviennent une vraie banque centrale, en instituant un gouvernement économique européen…avant de revenir à l’euro monnaie unique.
Yoland Bresson
Pendant cette période les Etats créent des monnaies complémentaires nationales. En France l’eurofranc, à cours légal obligatoire, à parité avec l’euro 1eurofranc=1euro, non convertible en euro, ne servant qu’aux échanges intérieurs de consommation, avec interdiction d’utiliser l’eurofranc pour acheter des actifs (or, actions, immobiliers..). De même seraient créés des eurodrachmes, des eurolires…Les échanges inter-états continuant à s’effectuer exclusivement en euros.
Les eurofrancs créés seraient distribués en pluie à tous les citoyens comme revenu d’existence, les revenus d’activité (salaires…) restant tels qu’ils sont versés en euros. Actuellement le montant du revenu d’existence s’élève en France à 400€ par mois. Il est alloué à tous de la naissance à la mort, égal pour tous, cumulable avec tout revenu d’activité. Les eurofrancs permettent ainsi d’instaurer le revenu d’existence et de changer radicalement la distribution des richesses en refondant la protection sociale.
La suppression concomitante de nombre d’allocations d’assistance conditionnelle (allocations familiales, allocation vieillesse, bourses…) diminue instantanément la dépense publique et réduit le déficit public. La suppression des cotisations salariales et patronales qui abondent actuellement ces allocations abaisse le coût du travail et améliore la compétitivité.
Le pouvoir d’achat supplémentaire ainsi distribué soulage les peuples de l’extrême rigueur qui les attend, soutient la consommation et relance la croissance, diminuant le poids relatif des dettes publiques.
Qui refuserait aujourd’hui d’emprunter ce chemin prendrait le risque d’une troisième phase de la crise systémique : une crise sociale majeure en Europe, aux conséquences imprévisibles. Le maintien de la paix si laborieusement assuré avec l’Union des Etats européens nous y oblige.
Yoland Bresson
www.creationmonetaire.info – Creative Common 3.0
Après diffusion du texte ci-dessus sur mon Twitter, j’ai reçu cette remarque de Jeff Renault (@JeffRenault) :
le 7 novembre 2011 :
– Jeff Renault : Ai RT, mais tout ça pour relancer la croissance, c’est gâché !
à quoi j’ai répondu :
– GF : Croissance des échanges monétaires (≠production), qui sont actuellement bloqués par l’asymétrie de la distribution de monnaie.
à quoi Jeff a dit :
– Je ne pense pas qu’il s’agisse de cela : “soutient la consommation et relance la croissance” ^^
Yoland Bresson à qui j’ai alors demandé son avis a répondu ceci :
Comme souvent on peut dire que vous avez tous les deux raison, tout dépend du délai de réaction et d’observation.
Le premier effet est GF: la croissance des échanges monétaires préalablement contraints par la mauvaise répartition de la monnaie. C’est ce supplément d’échanges monétaires qui sera enregistré dans le PIB et traduit comme croissance.
Dans un deuxième mouvement il est possible que cette augmentation de la demande de biens et de service portée par ce pouvoir d’achat supplémentaire ne trouve pas instantanément sur les marchés l’offre disponible en quantité et en nature adaptée. Alors l’offre correspondante devra augmenter et provoquera un accroissement de la production. Si ce phénomène ne se produit pas ce sont les prix des produits concernés qui s’accroitront.
Dans l’état actuel de nos performances économiques où la rareté matérielle n’est plus un obstacle, où dès qu’une offre insuffisante apparait quelque part, signalée par un surcroit de prix et de profit, des concurrents se précipitent pour bénéficier de l’opportunité, l’inflation, c’est à dire la hausse généralisée des prix est beaucoup moins probable que celle de la production.
Pourquoi “c’est gâché”? Attitude idéologique des partisans de la décroissance ou de la frugalité. Permettez-moi de dire qu’ils font une grave erreur à se focaliser sur le repère du PIB et de son évolution. Le PIB enregistre seulement les flux d’échanges monétaires et ne dit rien sur la nature réelle de ces échanges: ils peuvent concerner des objets matériels, contenant beaucoup de matières premières, ayant consommé beaucoup d’énergie pour leur fabrication, et dégager du CO2 parce qu’ils viennent de loin, mais ils peuvent aussi être immatériels, informationnels ou relationnels et donc parfaitement compatibles avec les exigences nouvelles qui motivent la “décroissance”.
Amitiés.
Yoland
Bonjour,
Ma remarque n’avait pourtant rien de dogmatique, comme Yoland Bresson le décrète péremptoirement. On peut dire cela sans être un idéologue de la décroissance.
Il est certain que je ne comprends pas grand chose à l’économie ni à la monnaie, et il se peut que ma compréhension du PIB soit erronée.
Bien sûr, ton blog Stéphane, me fait progresser, ainsi que mes échanges sur Twitter et la blogosphère, notamment avec StanJourdan et @GerardFoucher
Mon Tweet à Gérard tentait de relever que si tout cela ne servait qu’à concourir au toujours plus (matériel ou immatériel) plutôt qu’à du mieux, ce serait gâché.
Car consommer et croître, c’est contenter par de l’avoir (matériel ou immatériel) plutôt que par de l’être. Pourtant, ne sommes-nous pas avant tout des foules sentimentales ?
Ce n’était qu’une remarque, peut-être un rien cynique, qui n’enlève rien au bien que m’inspire ce billet et la qualité de la réponse de Yoland Bresson à Gérard.
Autrement dit, ce que je crois comprendre de la remarque initiale de @JeffRenault, c’est qu il est dommage de “justifier” toute la vision intéressante que présente cet article par une volonté de relancer croissance et consommation, alors que la justification est plutôt un assainissement du système et un retour à des valeurs sociales plus proches de l’envie des citoyens 🙂
Certes ça n’était que la toute fin de l’article, mais j’ai trouvé également que ça sonnait comme une tentative de faire sonner l’argumentaire juste aux oreilles des psycho-réfractaires au revenu d’existence 😀 Et donc que ça sonnait faux aux oreilles de convaincus comme nous :p
Au final tout le monde est d’accord quoi 😉
@Nabellaleen Ton interprétation est intéressante et devrait faire réfléchir quand à a justesse d’un argumentaire qui a des caractéristiques aussi particulières.
Ce n’est pas donné en effet à toute assertions que de “sonner juste aux oreilles des réfractaires” tandis que “ça sonne faux aux oreilles des convaincus”.
Où est donc l’oreille juste !? 😉
C’est bien vu !
Tout est toujours relatif en fin de compte 🙂 Et l’interprétation, aussi bien d’un article que des commentaires qu’il suscite, est très dépendante des expériences et convictions personnelles (en particulier quand le commentaire est fait en 140 caractères ;))
@Stéphane >
Je te rejoins complètement sur la pertinence de la remarque de @Nabellaleen, et donc sur la difficulté à construire un argumentaire universel, audible par tous (ou au moins le plus grand nombre).
Cela dit, il faut chercher à atteindre les sceptiques, et les convaincus n’ont qu’à composer. A ce titre, aurais-je dû faire l’économie de ma remarque sarcastique ? Peut-être… d’un autre côté, comme elle a permis cet échange très éclairant et instructif, je ne peux pas la regretter.
@Nabellaleen >
Ta perception des choses est toujours très enrichissante. Tu apportes toujours un décalage très pertinent qui aide à prendre du recul. J’adore ! 🙂