Jean-Baptiste Bersac, invité récurrent de Monnaie Libre, et tenant d’un modèle monétaire nommé néo-chartalisme, vient de publier son livre, le premier en Français sur cette approche. On notera que si les fondements sont différents de la Théorie Relative de la Monnaie, les conclusions et analyses du néo-chartalisme sont parmi les plus proches de la TRM que l’on puisse trouver actuellement.
Disons pour simplifier que la TRM aboutit à la conclusion qu’une monnaie libre est possible (penser au bitcoin, même s’il n’est libre selon la TRM), et qu’il n’y a aucun “financement” libre de l’économie pour la TRM autre qu’un Revenu de Base, le RdB relativiste, symétrique dans l’espace et le temps, étant la monnaie même. Là où le néo-chartalisme explique ce qui se passe, la TRM explique ce qu’il est possible de réaliser par des hommes libres, sans attendre ni le privé, ni l’Etat, ni modification d’un système monétaire privateur en place.
Je vous laisse après cette introduction sur l’article de présentation de JB sur son livre (que vous pouvez commander ici), que je ne peux que vous conseiller fortement !
cc-by-nc-nd Jean-Baptiste Bersac, article paru le 23 Septembre 2013.
Après de longs mois de rédaction et de démarchage des éditeurs, de demandes parfois impatientes de lecteurs de ce blog, voici enfin le premier livre néochartaliste francophone publié.
Il contient plus de 400 pleines pages expliquant sous toutes les coutures la monnaie, synthétisant pour moitié des analyses dispersées sur ce blog, et pour une autre moitié des recherches originales, tant statistiques que textuelles, réalisées expressément pour ce livre…
La première partie décortique nos systèmes monétaires actuels (hors euro, qui est trop tordu pour ne pas être abordé qu’ultérieurement). Y est expliqué pourquoi les taux d’intérêts souverains sont si bas et parfaitement sous contrôle, pourquoi le financement des États est illimité, pourquoi dette publique et devise ne sont que les deux faces d’une même pièce,1 pourquoi le crédit privé est incapable de supplanter la devise publique, pourquoi les assouplissements quantitatifs n’ont jamais eu la moindre chance de relancer l’économie et n’en auront jamais, pourquoi le commerce extérieur est incapable de supprimer le besoin de financement public. Le tout directement en prise avec le réel, via quelques articles de lois, des statistiques mises en graphiques (aucun tableau dans le livre), des règles comptables bien concrètes, etc.
La deuxième partie retrace les développements historiques ayant mené à nos systèmes actuels et à leur bizarrerie. La devise existait au moins dès le VIIème siècle avant Jésus-Christ en Europe, et il n’y avait rien de tel qu’un standard métallique, contrairement à la légende commune. Les tentatives d’imposer un tel standard échouèrent, et on retrouve une pensée concevant la monnaie comme une création par institution collective jusque chez Adam Smith. Toutefois, le courant de pensée qu’est le libéralisme se structure et se développe en idéologie incapable de poursuivre cette réflexion et retourne au métallisme. Les démonstrations mathématiques libérales n’ont peu ou pas de rapport avec le réel, mais éliminent résolument l’analyse monétaire, qui est au mieux limitée au seul crédit privé, le reste étant conçu comme du troc. Nos économies s’en développent d’autant plus mal, avec instabilité, dépressions, chômage de masse, etc.
Il faut attendre les chartalistes et Knapp en particulier pour avoir à nouveau une pensée réelle de l’action monétaire de l’État, plutôt qu’un tabou, et qui prédit entre autre l’avènement de la monnaie entièrement papier avec plus de soixante ans d’avance sur les libéraux qui s’entêtent à ne voir dans la monnaie essentiellement que du métal. Comme il n’est pas entendu ni mis à profit, il s’ensuit la mortelle crise des années 1930. Deux pays sont en particulier étudiés : les États-Unis et l’Allemagne avec chacun un graphique pour les variables clés (celui pour l’Allemagne fut le plus éprouvant à créer de tous le livre, les sources pour ce faire étant très discrètes, il fallut chercher dans des sources universitaires uniquement germanophones… Le livre explique pourquoi il y a là un véritable tabou, encore un, pour les libéraux.). Alors arrive le chartaliste John Maynard Keynes, qui donne enfin à l’État des outils conceptuels pour sortir de la crise, en pleine expansion des régimes dictatoriaux et mêmes totalitaires. Il s’ensuit les Trente Glorieuses, qui offrent aux chartalistes la fin du métallisme en 1971, prix à payer pour la prospérité.
Malheureusement, les libéraux regagnent progressivement le terrain perdu, et remettent à l’ordre du jour les mêmes recettes qui connaissent les mêmes échecs. La dynamique idéologique libérale est plus profondément décortiquée encore à cette occasion, avec des auteurs de premier plan comme Hayek. Pour finir, est analysé le système euro, cette devise-dette publique qui essaie de se prendre pour un étalon-or, ainsi que diverses tentatives pathétiques des libéraux de poursuivre leur quête intellectuelle, comme le prix Nobel Lucas expliquant explicitement qu’il introduit des hypothèses irréalistes dans ses réflexions à seule fin de ligoter l’État, par principe libéral. Cette partie traite également de ceux qui ont fait front au raz-de-marée néolibéral comme Minsky poursuivant Keynes sur l’instabilité financière, ou les néochartalistes redécouvrant les Knapp et les autres, ainsi que de prestigieux sympathisants.
La troisième partie tire les leçons des deux précédentes afin de proposer des alternatives concrètes pour améliorer le sort économique de tous. Comment assainir le financement public (depuis le financement actuel jusqu’au financement par création monétaire pure et simple), comment réguler le crédit (du système actuel jusqu’à leur interdiction par le 100 % réserves), comment financer l’économie (stabilisateurs automatiques, employeur en dernier ressort, revenu de base, monnaie complémentaire). Au passage, certaines fausses solutions sont éventées (inflation, défaut souverain, etc.). Il y a en a pour tous les goûts, et ces solutions peuvent être combinées.
En conclusion, un grand rappel de tout ce qui fut démontré dans le livre et quelques informations sidérantes, comme le Nobel Friedman expliquant très naturellement que la monnaie-or était une mythologie et regrettant, en tant que libéral, que le public ne soit plus imbu d’une telle mythologie et ne tétanise plus son État, ou encore le Nobel Samuelson qualifiant le déficit zéro de mythe, de religion ancienne manière, dont la vérité nous rendra libre.
En annexe, traduit pour vous en intégralité l’article de Kalecki prédisant dès 1943 le marasme politico-monétaire actuel où les libéraux désespèrent de ne plus pouvoir encore baisser les taux directeurs. Traduit aussi en intégralité un article de Friedman de 1948, du temps du keynésianisme triomphant, désavouant par avance et à son cœur défendant les grandes tentatives néolibérales d’explication de la monnaie, y compris les siennes ultérieurement ! Y figure également l’ensemble des sources et méthodologies utilisées pour construire les divers graphiques du livre. Afin qu’il n’y ait aucune « mauvaise surprise » façon Reinhart et Rogoff.
Le livre, intitulé Devise, l’irrésistible émergence de la monnaie, est publié chez les éditions In Libro Veritas (ILV édition), auto-éditeur conseillé par un ami (merci Stéphane) il y a plusieurs mois déjà. J’avais naïvement cru que mon livre serait mieux préparé et défendu par une maison d’édition classique, et qui me faciliterait mes finances, mais après des mois et plusieurs centaines d’euro dépensés en vain pour les démarcher, je regrette seulement de ne pas avoir suivi plus tôt le conseil de mon ami. Le livre est maintenant disponible entre autre sur Amazon ou Gibert Joseph… Si j’ai attendu aujourd’hui pour vous annoncer sa publication datant du 11 de ce mois, c’est parce que je voulais d’abord en tenir un exemplaire entre les mains pour pouvoir vous le recommander en toute certitude.
Salutations à tous,
Jean-Baptiste Bersac
Comment concrètement se procurer le livre?
@Werrebrouck, il y a un lien dans l’article de JB, mais du coup pour répondre à la question, j’ai moi aussi rajouté ce lien dans ma propre introduction.
Salut, c’est juste pour signaler que le flux RSS ne marche plus depuis mai. Je viens tout juste de m’en rendre compte…
Ça remarche ! 🙂 Du moins dans Firefox. J’avais un “widget” RSS sur mon blog que j’ai dû supprimer et recréer pour qu’il affiche le dernier post.
Merci pour le message dans tous les cas, j’ai fait quelques vérifications et tests, et effectivement ça doit marcher (ceci dit ça marchait toujours avec moi avec le gestionnaire rss Digest pour Firefox). Ceci dit c’était peut-être dû au changement d’hébergement du blog, qui pouvait demander une mise à jour des flux rss.
Tu aurais pu donner l’adresse de ton blog au passage ! 🙂